Le regard du photographe

La récurrence d’images de vrai ou faux écrans, fenêtres et cadres dans la photographie est le miroir du motif pictural de la fenêtre que Matisse, parmi d’autres, a fait sien. Un espace au-delà de l’espace. Une fenêtre sur le monde. Dans un mouvement propre à elle, dans la photographie le dispositif de la fenêtre-écran rend pictural ce qui est réel. Devenues pure lumière, tels les cinémas drive-in de Hiromi Sugimoto, ces fenêtres-écrans - suréclairés mais vides comme le tunnel et le billboard photographiés par Xavier Dumoulin ou les fenêtres de Nathan Serny - réfléchissent et renvoient le regard de celui qui observe. Il en est de même pour le camion débâché ou Tami Notsani voit « la qualité d’un miroir qui cadre et met en lumière un morceau de vue qui nous échappe ». « Ce qui nous échappe » s’impose comme une thématique en soi. « Des ambiances ambiguës et des paysages évidés » selon les mots de Siouzie Albiach. Architectures ou mobiliers urbains en attente d’activation, hors d’usage ou hors du temps, abandonnés pour un temps ou pour toujours. Des espaces orphelines, vacants, délaissées, ou règne une impression d’étrangeté, parfois de désolation. Une absence qui reflète la nôtre, comme la lumière aveuglante d’un écran sans image. Éminemment picturale. Cinématographique.